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Daddy et Vatty

3 septembre 2016

Être un garçon trans en 2016

Alors voilà. Je suis un garçon trans. Je ne sais pas depuis quand je le sais ni ce que ça signifie vraiment aux yeux de ceux qui ne vivent pas ça, mon genre n'est pas quelque chose sur laquelle je me penche beaucoup. Pour moi, être un garçon trans en 2016, ça signifie qu'à 16 ans, je devais réfléchir sérieusement à si oui ou non, je souhaitais des enfants.

Je commençais à réfléchir à prendre de la testostérone pour que, être trans, cela impacte moins ma vie de tous les jours. Ce n'est en rien obligatoire, beaucoup refusent d'en prendre pour des tas de raisons, nottament celle de ne pas vouloir se confirmer aux stéréotypes de genre cis-sexistes qui disent qu'un homme doit avoir de fortes épaules, une grosse voix, une barbe ou que sais-je d'autre. Moi je n'ai pas cette force là et j'envisageais de prendre des hormones qui me rendrait la vie plus facile. Mais voilà, j'hésitais parce que la testostérone pourrait me rendre stérile.

J'étais un gars de 16 ans comme les autres, alors les enfants ce n'était pas ce qui me préoccupait le plus à ce moment là, mais ces questions là je devais me les poser. Parce que personne n'a fait des recherches pour savoir concrétement les effets que pouvait avoir la testostérone sur les ovaires, parce que tous les autres font une hystérectomie après quelques années de prises, parce que adopter pour une personne trans relève aujourd'hui de l'impossible. J'avais 16 ans mais j'étais déjà confronté de force à ces questionnements, et j'en ai tiré une conclusion. Je suis un homme mais je souhaite pourtant porter mon enfant quand le moment sera venu.

Il y en a, des hommes qui tombent enceint. Autour de moi j'en connaissais, j'en rencontrais sur les réseaux sociaux. C'étaient mes héros et chacun de leur message était pour moi un incroyable cri de victoire. Mais ces petits moments positifs se noyaient dans l'immense marée de haine que mes héros inspiraient. Un homme enceint, tout le monde part du principe que c'est impossible, sans nul respect pour le genre des personnes concernées. Le ministère de la santé fait des publicités pour la contraception avec pour slogan "si les hommes tombaient enceint, ils prendraient plus au sérieux la contraception." L'on fait des sketchs, des blagues, des films humoristiques, sur ce thème, et tout le monde rit, en ignorant que les hommes enceints existent, et ce partout dans le monde et à toutes les époques. Et encore, si ces moqueries ne venaient que des personnes totalement méconnaissantes du phénomène... Au sein même de groupes de discussions sur la parentalité des personnes trans, je suis tombé sur tout un tas de personne me qualifiant d'étrange, de bizarre, parce que je m'identifiait homme tout en voulant porter un enfant. 
À l'heure où je vous parle, un de mes héros, Thomas Beatie, un américain connu médiatiquement comme le premier homme tombé enceint après un changement de son état civil, participe à la dixième saison de l'émission Secret Story. Pourquoi est-ce qu'il est venu en France, dans cette émission? Sûrement par conscience millitante, une envie de médiatiser la cause là où on l'oublie, peut-être même est-il venu en France en connaissance des droits lamentables pour les personnes concernées. Et sûrement que sa participation aura du bon, mais pour le moment, c'est un flot de haine et d'ignorance que je vois tout autour de moi. Et si ce n'est pas la première fois que je suis témoin de la méconnaissance profonde de la transidentité dans notre pays, c'est la première fois que je suis aussi touché par la polémique, parce que je sens qu'elle me concerne directement, et toutes les moqueries que je vois passer, je ne peux que les prendre personellement, bien que venant de connaissances me voyant comme un garçon tout ce qu'il y a de plus banal.

Alors je me dis qu'il serait plus simple de laisser tomber, qu'une grossesse ne sera pas facile à assumer pour moi, que l'on ne cessera d'invalider mon identité, que alors même que mon entourage me considère comme un homme et que personne ne pourrait y penser autrement, l'on me qualifiera de femme refoulée, ou voulant juste attirer l'attention. Je me dis que tous les efforts que j'aurais pu faire jusqu'alors pour être reconnu en tant qu'homme, n'auraient servis à rien, et que je ferais mieux de me plier au chantage de l'état, qui aujourd'hui en France, demande la stérélisation obligatoire pour les personnes trans souhaitant changer d'état civil. Et tout le reste s'est calqué là dessus. L'absence de recherche à propos des effets des hormones, parce que l'on part du principe que toutes les personnes trans feront une stérélisation volontaire pour changer d'état civil, jusqu'à l'impossibilité pour une personne trans d'adopter. Aujourd'hui, l'état fait tout pour que les personnes trans n'aient pas d'enfants, sûrement pour des raisons profondément injuste, issus d'une tradition patriarcale où l'on refuse aux êtres considérés comme déviants d'avoir une progéniture.

Néanmoins je ne veux pas répondre à ce chantage. Je ferais tout pour garder mes ovaires en bonne santé, même si je dois aller à tatillon avec les médecins qui me suivent et en me basant sur des témoignages d'autres personnes dans mon cas piochées à droite à gauche. Et je laisses cet article ici, en espèrant que dans le futur, l'on se posera cette question du droit aux personnes trans d'avoir des enfants, et que ce témoignage pourra aider quelqu'un à comprendre dans quel situation nous sommes aujourd'hui.

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